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Contrefaçon du vin : les chimistes contre-attaquent

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Mode italienne et maroquinerie française ont la côte sur le marché de la contrefaçon. Moins tape-à-l’œil, le monde du vin inspire aussi les fraudeurs. De pâles copieurs prêts à « vendre leur mère » pour refourguer à 450 $ une bouteille de Château Smith Haut Lafitte… vide. Bienheureux le mécréant qui pourra la remplir avec un jus trafiqué et la revendre à prix d’or à un collectionneur. Qu’il en profite, son temps est compté. Aujourd’hui, les chimistes savent faire parler mieux que quiconque le vin et sa bouteille. Les experts de pacotille de CSI Miami peuvent aller se recoucher!

Crédit : Taras Kalapun (Flickr CC)

Signature du verre
On peut authentifier le verre de la bouteille par le biais d‘un accélérateur de particules. Chaque bouteille porte en son âme la signature unique des processus de fabrication du verre, variables au cours de l’Histoire, et des caractéristiques du centre de production qui l’a enfantée. L’analyse des composés chimiques du verre permet ainsi sa datation. Qui dit mieux?

Rudy Kurniawan, un nom sulfureux dans le milieu vinicole. Surnommé « le Mozart du faux vin », ce Chinois, établi aux États-Unis à l’aube des années 2000, a escroqué pendant une dizaine d’années les collectionneurs de vins et les grandes maisons de ventes aux enchères en leur fournissant des centaines de bouteilles rares de faux bourgogne et bordeaux. Une escroquerie de plusieurs dizaines de millions de dollars qui a pris fin en 2012 lors de son arrestation par le FBI.

De nos jours, l’authentification d’un vin est un passage (presque) obligé avant toute vente d’un précieux flacon dans une salle des ventes. Et si par hasard, le vin est un faux, des chimistes comme ceux du laboratoire Vin-recherche-authenticité-identité, basé à l’Institut des sciences de la vigne et du vin à Bordeaux, peuvent déterminer son origine géographique en examinant sa composition chimique. Une garantie d’authenticité de plus en plus abordable.

Fais-moi vibrer!
Ce n’est pas par hasard que les Beach Boys ont chanté Good Vibrations. Admirateurs fous de l’envoutante résonance magnétique nucléaire – RMN de son nom de scène — et adepte de la divine bouteille, ils avaient déjà pressenti en 1966 que la façon psychédélique dont vibrent des atomes d’hydrogène ou de carbone 13 bien excités en dit long sur leur voisinage. Sous LSD, tout bouge, il est vrai.

Plus sobres et plus affûtés, des scientifiques ont suivi la vision des blonds surfeurs californiens. Jusqu’à bon port. Aujourd’hui, la RMN permet de déterminer et quantifier les composés majoritaires du vin.

Généralement, les chimistes s’adonnent en plus à un autre jeu identitaire : l’analyse isotopique. En clair, ils établissent les proportions des différentes versions des atomes de carbone, d’oxygène et d’hydrogène présentes dans l’éthanol du vin. Des proportions très différentes selon les lieux de viticulture. Par comparaison avec une base de données, ils peuvent savoir par exemple si le vin a l’accent italien, français, américain, australien, etc.

Si l’idée de l’usage de pesticides vous révulse ou si vous avez l’âme d’un buveur de vin bio, sachez que ces produits de synthèse peuvent pourtant être d’un grand secours dans la lutte à la contrefaçon. Les scientifiques sont capables de les doser dans le vin. Comme l’usage des pesticides est réglementé, ils savent quel produit chimique est autorisé à tel endroit, depuis quand et jusqu’à quand. Autant d’informations qui permettent d’identifier l’origine géographique d’un vin et de cerner son millésime.

Dans le Bordelais, cette technique est très appréciée des producteurs. Elle permet de révéler la vraie nature du terroir et de déceler, par exemple, les pâles copies de fabrication chinoise qui essaient de se travestir le temps d’une vente de grands crus.

Mémento radioactif

Le vin ne sait pas toujours de quelle année il est. Si ses molécules ont l’Alzheimer précoce, son millésime, lui, est ancré au plus profond de sa peau (de raisin). Une mémoire radioactive qui resurgit le temps d’une recherche de césium 137.

Développé par le laboratoire interrégional de Bordeaux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la méthode s’appuie sur une particularité : les baies de raisin ont gardé en mémoire les retombées radioactives des essais nucléaires atmosphériques effectués entre 1952 et 1963 – destinés à s’éclater à coup de bombes H — et celles de l’accident de Tchernobyl en 1986. L’activité radioactive plus ou moins grande du césium 137 permet de dater le vin d’un précieux flacon, car il existe une forte corrélation entre le taux de cet élément et l’année de production.

Voilà de quoi détecter les vins frauduleux et rendre la contrefaçon plus ardue. Du moins pour un temps. Comme les dopés du peloton du Tour de France, les faussaires du vin ont souvent un coup d’avance...


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